Victor Lopez l’expliquait dans la revue Clap! : « le cinéma indépendant philippin, longtemps résumé aux seuls noms de Lino Brocka puis de Brillante Mendoza, connaît depuis quelques années une renaissance« . En voici une nouvelle preuve, grâce à l’arrivée dans nos salons d’On The Job, d’Erik Matti. Wild Side édite ce film, dans une belle copie dénuée de tout bonus.
Après un passage à Cannes, On The Job, réalisé et co-scénarisé par Erik Matti, est donc enfin disponible pour le grand public. Un acte fort et essentiel de la part de Wild Side, tant ce polar, aussi solide que tétanisant d’horreur, mérite le détour. Le point de départ de ce film est un scandale qui a éclaboussé les Philippines, alors qu’est apparu au grand jour que des hommes politiques faisaient sortir de prison, pendant quelques heures, des criminels incarcérés pour qu’ils tuent des personnes les gênant dans leurs magouilles. Une histoire dérangeante, qu’Erik Matti met en scène avec brio.
On The Job nous fait suivre en parallèle plusieurs personnages, livrant une histoire certes classique (si ce n’est l’emploi de prisonniers comme tueurs à gage) mais solide et passionnante. D’un côté, nous avons deux prisonniers, l’un vieillissant et taciturne, et l’autre jeune et exubérant. Evidemment, notre homme d’âge mûr se révèle le mentor du jeunot, chargé de le former pour qu’il prenne sa place quand il sera enfin libéré. Le spectateur pense un peu à Max et Jérémie, par exemple, alors que le jeune homme met de côté sa nature pour écouter avec attention les conseils de son aîné. Grâce à eux, nous découvrons les bas-fonds de la ville, ainsi que la vie carcérale. On The Job flirte ainsi avec deux grands classiques du cinéma de genre, le polar hard-boiled, et le film de prison. Les séquences d’assassinat sont ainsi sanglantes, sauvages, tétanisantes, avant que les personnages principaux ne quittent la crasse des rues de la ville pour rejoindre leur cellule, où la vie est tout aussi glauque, entre gardiens violents et corrompus et hiérarchisation chez les détenus, qui ont créé une sorte de ville à l’intérieur des murs.
Il y a peu d’espoir dans ce métrage, et ce n’est pas l’autre grand personnage, un policier fédéral marié à la charmante fille d’un politicien corrompu, qui va apporter un peu de lumière dans la noirceur d’On The Job. Jeune et idéaliste, il se laisse griser par les cadeaux de son beau-père, et ne réalise pas qu’il prend la pente de la corruption et qu’il devra bientôt faire un choix entre la justice et sa belle-famille. Erik Matti, en construisant en parallèle la formation de notre policier par son mentor, et la formation du jeune criminel, livre un sans faute. Le message est très clair, et le réalisateur évite les longs messages et les dialogues. La force des images, ainsi que la musique, utilisée comme chez Anurag Kashyap, de manière tonitruante et porteuse de sentiments, suffisent à la compréhension du spectateur, étouffé par l’abominable noirceur du film.
La corruption des politiques est telle que rapidement, le spectateur comprend que la happy-end n’a pas lieu d’être. Le film déroule ainsi un scénario simple, entre complot politique, polar violent et film de prison, et réserve un sort abominable à toute personne cherchant à changer un peu la donne. La construction est impeccable, les séquences s’enchaînent sans se ressembler, et réservent quelques scènes violentes et tendues (le meurtre à l’hôpital, avec la longue course-poursuite qui s’ensuit, est un grand moment du métrage), jusqu’à une fin aussi impitoyable que ce qui a suivi. On The Job est ainsi un film essentiel pour tout amateur de polar, qu’il faut vraiment découvrir.
Si la copie est impeccable et rend vraiment justice au film, il est dommage que Wild Side livre On The Job sans bonus. Un making of sur les conditions de tournage, et une interview du réalisateur qui reviendrait sur le scandale originel et sur la manière dont le film a été perçu aux Philippines auraient été des compléments idéaux pour un tel métrage.
Yannik Vanesse.
On The Job, d’Erik Matti, disponible en DVD chez Wild Side depuis le 03 septembre 2014