Critique de Nos années sauvages de Wong Kar Wai (Vesoul)

Posté le 7 février 2013 par

Wong Kar Wai se trouve et nous trouble pour la première fois. Par Justin Kwedi.

Dans les années 1960 à Hong Kong, Yuddy (Leslie Cheung), élevé à la diable par sa mère adoptive, indolent et charmeur, se laisse bercer par la vie, passant de bras en bras, seulement alarmé quand on lui propose le mariage. Narcissique, obsédé par le besoin qu’il éprouve de découvrir ses origines, Yuddy quitte amis, maîtresses et mère pour partir aux Philippines, à la recherche de son passé.

Avec son premier film As Tear Go By le talent de Wong Kar Wai s’était révélé à l’état brut mais ne prenait pas totalement son envol, coincé par le genre très codifié dans lequel s’inscrivait ce galop d’essai, le polar hongkongais. Nos Années Sauvages est donc le film de l’affirmation, où le réalisateur pose tout les codes narratifs, esthétiques et thématiques constituant l’essence de son cinéma.

Sans réelle intrigue conductrice le récit (en partie inspiré de souvenirs, rencontre de jeunesse du réalisateur) est prétexte à naviguer entre différents jeunes gens dans le Hong Kong des 60’s dont les tourments et interrogations amoureux et/ou existentiels se suivent dans une atmosphère de spleen et de mélancolie envoûtante. En tête on trouve Leslie Cheung, séducteur froid et blasé dont la rudesse avec les femmes dissimule la fêlure d’une identité floue du fait de ses origines inconnues. Il est le pilier du récit et autour de lui s’agitent les autres personnages que se soit ses amis (Jacky Cheung) conquêtes (Maggie Cheung et Carina Lau) où leurs rencontres (Andy Lau). Tous sont dans le doute, incertains et torturés quant à leur avenirs, professionnels comme sentimental.

Wong Kar Wai déploie son art unique pour le moment suspendu détaché du temps avec maestria. La magnifique séquence d’ouverture où Leslie Cheung séduit Maggie Cheung, la ballade nocturne de celle-ci avec le policier Andy Lau, le final au Philippines, le réalisateurs distille les scènes magiques où le tourbillon de sentiments qui agitent les héros font le lien d’une trame libre et détachée des contraintes de la narration classique. Les voix off multipliées entre questionnements existentiels et banalités, la bande son indolente bercées d’Amérique du Sud ou encore la gestuelle poseuses et très étudiée de chacun, tout concours à une tonalité désenchantée et nostalgique.

Le film révèle ou montre des acteurs sous un jous qu’on ne leur connaissait pas. Jusqu’ici réduite au rôle de faire valoir féminin dans les films de Jackie Chan, Maggie Cheung (déjà dans As Tear Go By) déploie une grâce, une présence et une beauté qui va l’élever au sommet du cinéma de Hong Kong les années suivantes. Le passage où elle erre sous la pluie morte de chagrin après le comportement odieux de Yuddy est une de ses plus belles prestations. Jacky Cheung plus connu pour ses performance comiques (même si Un balle dans la tête de John Woo a révélé son potentiel dans un registre dramatique) est splendide dans le rôle discret d’amoureux transi et Leslie Cheung confirme son statut dans ce rôle tout en intériorité et froideur. D’un personnage potentiellement antipathique, il parvient à faire ressentir bouillonnement et le questionnement intérieur.

Un des plus beaux films de son auteur qui remaniera ses atouts dans une veine plus galvanisante dans le magique Chungking Express à venir, même si l’échec commercial du film (sauvé parla reconnaissance critique locale puis internationale) signera le glas de la suite prévue et dont on retrouve des traces semble t il dans In The Mood For Love et 2046.

Justin Kwedi. 

Verdict :

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Nos Années Sauvages de Wong Kar-Wai est projeté au Fica de Vesoul 2013 du 5 au 12 février 2013.

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