Critique de The Blood de Guillaume Tauveron (Kinotayo)

Posté le 28 novembre 2012 par

En septembre dernier, nous vous relations sur East Asia l’étonnant projet du jeune réalisateur français Guillaume Tauveron qui décidait d’aller tourner le script de son court-métrage au Japon avec une équipe locale (acteurs comme techniciens). Surmontant les obstacles (notamment ceux liés aux catastrophes que connurent le pays et qui retardèrent le tournage), Guillaume Tauveron revint avec un montage de 60 minutes sous le bras si convainquant qu’il parvint à trouver un financement pour filmer des séquences supplémentaires et le transformer en un long plus conforme à sa vision. Nous avons pu découvrir ce désormais long-métrage et le résultat est réellement des plus réussis. Par Justin Kwedi 

En dépit de quelques maladresses dues à une production compliquée, Guillaume Tauveron signe un bien beau premier film et l’aboutissement d’une belle aventure entre la France et le Japon.

Shinji mène une vie de salaryman banale et bien rangée à Tôkyô, lorsque sa femme Akemi est assassinée et revient sous les traits d’un fantôme pour réclamer vengeance…

On va relever d’emblée les quelques défauts du film, essentiellement dû aux moyens qu’on devine limités et à sa production de longue haleine. The Blood souffre donc d’une narration un peu trop abrupte qui enchaîne les péripéties et situations sans suffisamment laisser la place aux moments de respiration dans le récit. Celui-ci fonctionnant en unité de temps et de lieu (un quartier de Tôkyô) c’est une option dans l’ensemble plutôt efficace mais l’introduction est néanmoins un peu sèche pour accompagner le mal-être de Shinji  (d’autant que l’usage de la voix est très réussi) et aller progressivement vers l’histoire. Guillaume Tauveron a certainement dû aller à l’essentiel dans le choix des scènes à tourner et finalement cela entretient plutôt bien le flou et le mystère qui ne se résoudra qu’à la toute fin.

Shinji (Takahiro Ono), veuf brisé depuis l’assassinat de sa femme reçoit des indices du fantôme de celle-ci qui vont le placer sur le chemin de son meurtrier. Tout va se jouer au cours d’une nuit où, à travers des rencontres touchantes, émouvantes ou violentes, l’énigme du crime sera résolue pour le meilleur et/ou pour le pire. Tauveron instaure un pesant spleen existentiel et urbain où notre héros va croiser d’autres solitudes toutes aussi abîmées que lui par la vie. En premier lieu on trouve Tomoko (Mari Yoshida), une lycéenne fugueuse qu’il va sauver d’un viol et qui l’accompagnera tout au long de sa sombre odyssée. La narration ne révèle les sources du mal-être de ses protagonistes qu’à des moments clés, dans une mise en mise en scène en liaison constante à leur psyché où un regard, un geste servira de révélateur. On pense notamment à la séquence où l’on découvre que Tomoko est victime d’inceste chez elle, ce qui explique sa fugue et son errance. Ces surgissements du souvenir se font toujours en réaction au réel, l’atmosphère urbaine nocturne oppressante trouvant comme réponse une danse tendre sous une lumière blanche immaculée entre Shinji et sa femme.

The Blood se présente donc comme un tableau des différents maux du monde moderne et la manière dont il nous affecte. La carrière professionnelle éloignera Shinji de son épouse sans qu’il puisse y remédier, une quarantenaire dépressive (sublime aparté sur son histoire) renonce à fonder un foyer, ce même foyer source de menace pour la jeune Tomoko. Pour tous, une même solitude, un même isolement dans l’immensité urbaine impersonnelle relevée par les multiples plans d’ensemble sur la ville, les monologues désabusés ou une envoûtante musique de Jérémy Tridera.

Le scénario ambitieux et équilibré de Guillaume Tauveron englobe ses questionnements dans un brillant mélange des genres où le drame côtoie le film noir ou encore le fantastique. Les  défauts relevés plus haut sont d’ailleurs largement atténués par l’interprétation remarquable où l’intensité des acteurs compense ce qui n’a pu être montré, ou trop vite. Takahiro Ono arbore ainsi une allure où s’entrecroise lassitude, tristesse et détermination d’en finir.  Mari Yoshida dévoile elle une fragilité et une sensibilité à fleur de peau carrément bouleversante dans les dernières minutes du film. Parmi les autres rencontres de cette étrange nuit, on saluera également l’excellente interprétation de la femme suicidaire ou encore un personnage de yakuza qui parvient à échapper au caricatural par quelques touches subtiles.

Mise en scène élégante et immersive et cadrage soigné montrent la maîtrise certaine de Tauveron même si on devine un étalonnage pas achevé vu la photo parfois sur-éclairée de la copie que nous avons vue.  Un beau premier essai de Guillaume Tauveron qui transcende les quelques scories par le meilleur atout qui soit, l’émotion. On espère une visibilité plus grande ces prochains mois pour The Blood, il le mérite.

Justin Kwedi.

Verdict : 

The Blood de Guillaume Tauveron, visible à partir d’aujourd’hui au festival Kinotayo. 

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Un commentaire pour “Critique de The Blood de Guillaume Tauveron (Kinotayo)”

  1. Merci pour cette découverte.

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