Critique de Querelles (Mourning) de Morteza Farshbaf (Vesoul)

Posté le 5 février 2012 par

Repéré à Deauville Asia 2012, où il a reçu le lotus du meilleur long-métrage, Mourning, rebaptisé Querelles, est diffusé à  Vesoul après une sortie confidentielle en France. Retour sur un film qui vient confirmer la belle vitalité du jeune cinéma iranien. Par Victor Lopez.

C’est dans l’obscurité que commence Mourning. Une pénombre déstabilisante s’installe durablement à l’écran alors que des éclats de voix permettent au spectateur de reconstituer un semblant de situation. Un couple se dispute, la femme veut quitter précipitamment l’endroit où elle est et retourner la nuit à Téhéran. Son mari, contrarié, finit par la suivre. Lorsque les phares de leur voiture, prête à s’éloigner, éclairent enfin la scène, on distingue un enfant couché, les yeux grands ouverts, écoutant ses parents qui se déchirent. La perte de l’innocence de ce regard, voilà le thème de ce très beau Mourning. Dans cette première scène, il ne voit pas mais entend. Dans la suite du film, ce sera l’inverse, il verra mais ne pourra pas entendre. Son oncle et sa tante, tout deux sourds et parlant en langage des signes, le ramènent à Téhéran, sans savoir comment lui annoncer le décès de ses parents lors du retour nocturne qui leur fut fatal.

Entre les bribes de paroles de la première scène et les images du langage des signes du reste du film, le spectateur se retrouve dans l’inconfortable situation de l’enfant, recollant sons et images pour deviner le sens de tout cela. L’intégralité du métrage prendra place dans la voiture, formant un road movie / huis clos très kiarostamien entre quatre roues. Comme dans les films du maître, des plans larges montrant un paysage grandiose de routes désertes laissent circuler en plan-séquence la voiture des protagonistes d’un bout à l’autre de l’écran. Mais ici, pas de voix-off : des sous-titres viennent traduire le sens de la discussion des deux malentendants qui conduisent leur neveu dans la capitale.

Le procédé n’est pas seulement d’une grande intelligence, puisqu’il permet surtout de déchiffrer avec le regard de l’enfant, auquel les adultes pensent encore cacher le drame, les enjeux dont il se trouve au centre. Comment lui annoncer la nouvelle ? Qui va s’occuper de lui ? Le mari veut l’adopter, la femme est contre, jugeant l’acte égoïste. La dispute est en soi déjà passionnante, mais c’est surtout la focalisation sur l’enfant qui finit par réellement émouvoir. Les cadres soulignent toujours de manière subtile la persistance de ce regard déchiffreur, en retrait mais présent.

Verdict :

Mourning, intelligent et touchant, vient confirmer, après l’excellent Death is my profession, la vitalité du jeune cinéma iranien.

Victor Lopez.

Le film est visible au FICA de Vesoul du 5 au 12 février. Programme et horaires par ici

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