BLACK MOVIE 2024 – Tomorrow Is a Long Time de Jow Zhi Wei

Posté le 19 janvier 2024 par

Le premier long-métrage de Jow Zhi Wei est présenté à cette nouvelle édition du Black Movie, après un passage à la Berlinale et d’autres festivals. Tomorrow Is a Long Time contemple les errances insomniaques d’un père et son fils constamment en mode survie et en quête d’un repos qui semble inatteignable.

Les actes de violence ont des répercussions sur Chua et son fils Meng, qui ont subi la pression d’intimidateurs. Le service militaire propose à Meng de s’évader dans la jungle, un monde inconnu qui pourrait le rapprocher de la compréhension de sa propre nature.

Tomorrow Is a Long Time s’ouvre sur un sommeil interrompu et se termine par un assoupissement enfin accordé. Entre ces deux scènes, des compromis indignes auront été faits, des vies auront été perdues à la honte, des expériences auront été éprouvées et d’autres auront été acceptées. Que cela ne laisse cependant pas croire à un film intense en rebondissements, bien que le récit emprunte bien des virages. Tomorrow Is a Long Time est un résolument contemplatif et assume pleinement une lenteur qui tranche avec l’accumulation des fils de son histoire.

Dans un premier acte se déroulant dans un Singapour moderne et anxiogène, Jow Zhi Wei observe le rapport complexe d’un veuf se tuant à la tâche dans un emploi précaire d’exterminateur, et de son fils, Meng, jeune homme un peu perdu entre ses envies d’être intégré (quitte à s’associer avec des camarades peu fréquentables) et la nécessité de composer avec un père prompt à reporter toutes ses frustrations sur lui. De cette partie, très urbaine et sociale, le film prend un tournant radical dans sa seconde partie qui suit le jeune Meng, parti au service militaire, dans la jungle (autant refuge que danger), à la faveur d’un retournement arrivant au bout d’1h. Tomorrow Is a Long Time se tourne alors vers une œuvre bien plus fantasmagorique et un symbolisme plus prononcé.

Dans l’une et l’autre de ces sections, les influences de maîtres comme Apichatpong Weerasethakul ou Tsai Ming-liang, pour ne citer qu’eux, sont évidentes. Or, malgré quelques belles trouvailles, notamment dans la scène finale, le film peine à émuler la magie de l’un et l’énergie toute particulière de l’autre. Tomorrow Is a Long Time souffre de nombreux problèmes, le premier d’entre eux étant son rythme, trop dépendant de son découpage, dont la nature lancinante flirte parfois avec l’inanité. Trop souvent, le metteur en scène semble confondre contemplation et apathie, laissant souvent l’impression, regrettable, que l’on subit davantage le film qu’on ne s’y laisse aller.

Paradoxalement, le récit multiplie les pistes narratives, particulièrement dans sa première heure où l’immigration clandestine côtoie la pénibilité du travail et la violence scolaire, la fin de vie d’une grand-mère. L’intention de traduire ce trop-plein du quotidien est lisible et permet au film de ménager pas mal de possibilités quant à la direction qu’il va prendre. Néanmoins, le développement des rapports et des personnages est trop ténu pour complètement soutenir cette idée et n’échappe pas à la sensation que les thèmes s’accumulent sans parvenir à établir la proximité recherchée au moment d’aller vers une expérience plus sensorielle.

La réalisation tente un parallèle entre la violence froide de la ville et la camaraderie de l’armée, l’aridité urbaine et la luxuriance de la jungle, afin de nous mener vers le voyage initiatique, non sans en passer par une transition assez maladroite par ses dialogues et sa construction. Malgré tout, c’est dans cette toute dernière moitié que Tomorrow Is a Long Time est le plus intéressant et parvient, en partie, à nous accrocher lorsque, accompagnant Meng dans une ultime errance, la caméra le filme se décharger de ses fantômes, et son père le premier, pour accepter sa nature et reprendre le contrôle de son corps et son identité.

A la lisière du réalisme et du rêve, le film, lui, garde les traces de ses références écrasantes et d’une réflexion trop éparpillée. La sincérité du geste est, en revanche, évidente, et les petites touches délicates qui se dessinent lors de scènes anodines, laissent entrevoir des promesses plus encourageantes que ce coup d’essai imparfait.

Claire Lalaut

Tomorrow is a Long Time de Jow Zhi Wei. Singapour, Taïwan, France, Portugal. 2023. Projeté au Festival Black Movie 2024.

Imprimer


Laissez un commentaire


*