Dernièrement paru dans la fameuse collection stories des éditions Capricci, l’ouvrage que Lucas Aubry consacre à Kitano Takeshi dresse une biographie comme nulle autre de l’enfant terrible du cinéma japonais, mi-homme mi-alien au regard de ses trajectoires de vie, et dont la gueule, la sensibilité et la désinvolture ont au moins titillé ne serait-ce qu’un peu la curiosité de toute personne qui le découvre.

Pour la première fois en France, un livre décide de s’atteler au parcours de vie singulièrement complexe d’une personnalité inclassable, connue de tous mais parvenant encore à surprendre le plus attentif de ses admirateurs.

Un énergumène connu par chez nous depuis les années 1980 pour avoir côtoyé David Bowie et Sakamoto Ryuchi dans le camp de prisonniers du Furyo de Oshima Nagisa, puis pour sa redéfinition si particulière du yakuza eiga que les journalistes et universitaires francophones (dont Jean-Pierre Dionnet) n’ont cessé de promouvoir par la suite. Cet électron libre, c’est bien Kitano Takeshi, celui qui de justesse choisit un jour la voie de l’art à celle du crime.

Comme toute histoire a sa genèse, Lucas Aubry, journaliste chez SoFilm, revient sur l’enfance difficile d’un gosse de Tokyo de l’après-guerre, bien avant la percée du saltimbanque Beat Takeshi qu’il deviendra sur le petit écran et du yakuza mélancolique au cinéma. S’en suivront quelques 100 pages retraçant le parcours atypique d’un artiste aux milles visages, aussi bien à l’aise devant que derrière une caméra qu’avec une plume ou un pinceau, prêtant tout autant sa figure si politiquement incorrecte au comique, au bouffon, au grave et au tragique. Exercice impitoyable que de s’essayer à portraitiser un tel homme, lui-même semblant toujours avoir une longueur d’avance sur ce que le monde attend de lui. Lucas Aubry prend aussi la peine de replacer chaque virage dans la vie de Kitano avec le contexte artistique et culturel du Japon ; de son premier film Violent Cop hérité d’une volonté de répondre au succès international de l’Inspecteur Harry, au renouveau croisé du film de sabre dans les années 2000 avec son Zatoichi et le Kill Bill de Tarantino.

Parcourir le texte de Takeshi Kitano : Hors Catégorie, c’est l’assurance d’en apprendre plus qu’il ne faut sur les raisons et déraisons de tel ou tel projet qu’entreprit un jour de monter le plus imprévisible des Japonais. Un puits d’informations pour quiconque aspire à pénétrer les antichambres scéniques et mentales sous toutes ses déclinaisons d’un artiste hybride, protéiforme, et dont l’incohérence apparente du parcours est devenue sa signature. Finalement, Lucas Aubry admet volontiers que tout l’intérêt d’un tel portrait est, non sans une certaine saveur, que l’on ne peut se résoudre à le cerner complètement.

Richard Guerry.

Takeshi Kitano : Hors Catégorie de Lucas Aubry. Paru aux éditions Capricci le 24/11/2022.

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