MCJP – Hey! Our dear Don-Chan d’Okita Shuichi

Posté le 21 octobre 2023 par

Dans le cadre du Festival du cinéma indépendant japonais et grâce à la Fondation du Japon, siège de la Maison de la Culture du Japon à Paris (MCJP), il est possible de découvrir gratuitement des longs-métrages issus de la scène indé nippone. Composée de films venus d’horizons divers et appartenant à des genres différents, la sélection nous permet de découvrir l’étonnant et touchant Hey! Our dear Don-Chan, une petite bulle de tendresse et d’émotion.

De prime abord, il serait facile d’avancer que le propos du film est déjà vu et revu sur un écran. Le thème de la famille, qu’elle soit composée, décomposée, et/ou recomposée est un sujet qui est au centre de la filmographie de l’incontournable Kore-eda Hirokazu. La comparaison avec son œuvre est difficilement contournable. En l’occurrence, dans le film qui nous intéresse ici, il est question d’un groupe de trois amis comédiens qui vont un beau jour voir débarquer, sur le pas de leur porte, un bébé. Ils vont aussitôt l’adopter et l’élever. On ne peut effectivement pas faire plus classique. Et le metteur en scène va suivre cette petite tribu pendant trois ans, avec ses hauts et ses bas, en faisant grandir l’enfant, de zéro à trois ans. Là encore, pour ce qui est du concept de suivre la croissance d’un enfant, on pourrait penser à un film comme Boyhood de Richard Linklater, et le suivi de son héros, de l’enfance à l’adolescence. Mais Okita Suichi connaît visiblement ses classiques et va opter pour un tout autre choix de mise en scène.

Pour un budget que l’on devine dérisoire, et accompagné de ses trois comédiens, le metteur en scène filme le quotidien de cette famille atypique, dans un style au croisement du documentaire et de la fiction. La caméra va suivre les petits gestes, les instants de complicité, de doute et surtout de tendresse qui vont unir les trois papas de substitution et la petite fille. Sur trois ans, les protagonistes vont apprendre à mettre de côté leurs vies de loosers attendrissants doublé de comédiens plus ou moins talentueux (les auditions sont de purs moments de gêne souvent très drôles), et composer avec un petit bout de chou débordant d’énergie (Son nom Don, « poum » en français, lui est donné car elle n’arrête pas de bouger et sauter dans tous les sens).

Le film parvient à jongler de manière assez fine avec le style documentaire, lorsqu’il filme les rituels de la famille, notamment les scènes de repas, souvent l’occasion d’échanges à cœur ouvert, et le ton plus fictionnel que lui impose son sujet. Cependant, il est à noter qu’à aucun moment, les deux styles de mise en scène ne se court-circuitent, rendant les 2h30 du film homogènes de bout en bout. Et si le filmage « documentaire » aide beaucoup à s’attacher à cette famille en permettant au spectateur de partager le quotidien de Don-Chan, avec sa caméra qui arriverait presque à se faire oublier (nous y reviendrons), la plupart des effets dramatique et comiques fonctionnent beaucoup mieux lorsque le metteur en scène bascule en mode « fiction ». On pensera notamment à une séquence aussi drôle que débordante de tendresse avec les trois papas qui essaient de regarder un film en entier en essayant tant bien que mal de s’occuper de Don-Chan. Une séquence dont l’efficacité comique repose entièrement sur un découpage et un montage parfaitement chronométrés. Et si le film parvient à être souvent drôle et émouvant, il sait aussi parfois mettre de côté les rires et les instants de complicité pour s’autoriser des moments plus sérieux et dramatiques, surtout dans son dernier acte, mais qui finiront toujours par laisser place à ce que le film sait faire de mieux, faire rire avec ses personnages, et même se montrer émouvant dans une dernière séquence de déménagement, instant d’émotion où documentaire et fiction se mêlent avec brio.

Si l’on peut saluer le travail de metteur en scène d’Okita Suichi pour ce qui est de filmer sa petite tribu, il est également important de noter la performance des comédiens, troublants de réalisme dans leur façon d’interagir et d’interpréter leurs rôles, arrivant à nous faire croire par instant que l’on regarde vraiment un documentaire sur une famille d’acteurs lowcost au fond de la banlieue de Tokyo. Et si l’on parlait plus haut de la caméra qui se faisait presque oublier, le « presque » est dû, pour ainsi dire, aux jeunes comédiennes qui interprètent Don-chan à l’âge bébé, petits enfants qui ne ratent pas une occasion d’enchaîner les regards caméra..

Hey! Our dear Don-Chan se révèle donc être une très bonne surprise au sein de la sélection de films en ligne du festival, un pur moment d’émotion brute rempli de tendresse et de bonne humeur, avec un style docu-fiction qui peut dérouter mais qui au final permet de partager de la meilleure façon le quotidien d’une famille pas ordinaire.

Romain Leclercq.

Hey! Our dear Don-Chan d’Okita Suichi. Japon. 2022. Disponible sur le site du Festival du cinéma indépendant japonais.

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