HKOSFF 2024 – Beyond the Dream de Kiwi Chow

Posté le 31 août 2024 par

Cette année, pour sa deuxième édition, le festival Hong Kong On Screen met à disposition une petite sélection de courts et de longs-métrages visionnables gratuitement en ligne sur inscription, pour les malheureux qui ne peuvent naturellement pas faire acte de présence aux séances de Los Angeles, Toronto, Seattle ou San Diego. Parmi eux, le documentaire Keep Rolling (2020) de Man Lim-chung sur Ann Hui, et une fiction romantique de Kiwi Chow, Beyond the Dream (2019), sur laquelle nous nous attardons aujourd’hui.

Lok est un schizophrène en voie de guérison qui aspire à l’amour. Un jour, il rencontre la jeune et belle Yan et tombe rapidement amoureux d’elle. Les deux êtres développent une relation qui dépasse leurs rêves les plus fous.

Si Kiwi Chow fait depuis longtemps partie du paysage cinématographique hongkongais, à la fois en tant que cinéaste, assistant, monteur ou universitaire, c’est davantage à l’école post-rétrocession du nouveau millénaire qu’il convient de le rattacher. Ses revendications politiques sont plus que claires depuis son court segment Self-immolator de l’anthologie Ten Years (2015) et seront confirmées par le projet documentaire monumental Revolution of Our Times (2021) à propos des manifestations démocratiques de 2019. L’année suivante, au sommet de la pandémie, un trio de films produits par la Golden Scene font un carton inespéré au box-office : My Prince Edward de Norris Wong, The Way We Keep Dancing d’Adam Wong, et Beyond the Dream de Kiwi Chow, donc, le plus gros succès des trois. Après les films énoncés, difficile d’imaginer que la couleur artistique de Kiwi Chow puisse tendre vers la romance. Le cinéma de Hong Kong prouve une fois encore son aptitude à façonner des talents hétéroclites qui touchent à autant de genres qu’il en existe. Beyond the Dream s’inscrit dans une tendance typique du cinéma sud-est asiatique contemporain, dont la ligne directrice est en quelque sorte guidée par le mal-être sentimental des individus peuplant de gigantesques agglomérations où dénicher son âme sœur relève presque paradoxalement du miracle. La différence étant que Kiwi Chow conjugue cette aspérité névrosée de la romance au sujet peu abordé de la schizophrénie.

Bien loin des paradigmes caricaturaux de la pathologie psychiatrique que Johnnie To cultive par exemple dans Mad Detective, Beyond the Dream semble au contraire vouloir apporter un réel regard médical et non-infantilisant sur la question. On parle de rechute, de trouble schizo-affectif ou de retrait social, qui servent au propos autant qu’à la construction du personnage de Lok, brillamment interprété par le jeune Terrance Lau dont le jeu très physique et subtil impressionne lors des phases de dépersonnalisation du protagoniste. Sa rencontre avec Yan, incarnée par l’étoile montante Cecilia Choi, donne l’occasion à Lok d’aller au-delà de la honte de sa condition, mais il s’avère que le film ne traite pas tant d’un amour naissant que d’une séance de thérapie mutuelle et partagée. La question de l’érotomanie, soit « l’illusion délirante d’être aimé », est au cœur de ce tissu narratif qui prend scène après scène la forme des blessures de chacun dans un élan d’espoir modéré. Kiwi Chow met toujours un point d’orgue à ce que le sujet ne dépasse pas le récit mais plutôt le sert et le renforce, jusqu’à la quête minutieuse du petit détail qui fait la différence comme lorsque Lok utilise l’enregistreur vocal de son téléphone pour estimer si une voix est réelle. Le travail sur le montage et la profondeur de champ aussi bien que sur le son va dans ce sens et isole régulièrement le point de vue de Lok du monde qui l’entoure afin de permettre au spectateur de s’approcher de ce qu’il peut ressentir dans son décalage avec la réalité. Aussi léchée et expressive soit-elle, la mise en scène ne sert néanmoins pas toujours à l’histoire à force de trop tirer sur la corde sensible et de s’encombrer d’un piano mélancolique omniprésent. Mais Beyond the Dream, de temps à autres faillible comme ses personnages, touche juste et dépoussière agréablement certaines perspectives du cinéma romantique hongkongais.

Richard Guerry.

Beyond the Dream de Kiwi Chow. 2019. Hong Kong. Diffusé en ligne lors du Hong Kong on Screen Film Festival 2024.

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