VIDEO – The City of Lost Souls de Miike Takashi

Posté le 1 mars 2024 par

Le coffret Miike Takashi, sorti récemment chez Spectrum Films, est l’occasion de découvrir quelques-uns des films peu vus de ce réalisateur fou et stakhanoviste. Tout de suite, attardons-nous sur The City of Lost Souls, alias THE HAZARD CITY, film d’action mafieux, sorti en 2000 au Japon.

Mario, un gangster brésilien, libère sa fiancée chinoise sur le point de se faire expulser du Japon. Ensemble, ils se cachent dans la communauté brésilienne de Tokyo, jusqu’à ce qu’ils parviennent à quitter le territoire via un passeur russe. Pour obtenir la somme que coûte l’opération, Mario vole un magot qui devait servir de transaction entre une triade et un clan de yakuza, déclenchant ainsi leur fureur…

En 2000, Miike Takashi œuvre pour le monde du cinéma depuis quelques années, après avoir fait les grands jours du V-cinema, c’est-à-dire les films pour le marché vidéo japonais, dans les années 1990. Parmi ses premiers films pour le grand écran, on compte la trilogie Black Triad Society (Shinjuku Triad Society en 1995, Rainy Dog en 1997 et Ley Lines en 1999), qui étonne déjà pour sa propension à montrer de nombreux protagonistes non-japonais, en l’occurrence des Chinois, des Taïwanais et des Africains. Des personnages non-japonais peuplent le cinéma nippon depuis de nombreuses décennies, mais très rarement à ce niveau de premier plan. Avec The City of Lost Souls, Miike poursuit ce sillon en mettant en scène la communauté brésilienne du Japon, l’une des premières du pays en termes de nombre, le Brésil étant lui-même un important pays d’émigration pour les Japonais. Quant à la présence de personnages chinois, elle permet de jouer la carte du film de triade, alors populaire à cette époque dans le monde entier par le cinéma hongkongais, et d’engager Michelle Reis, icône du cinéma de l’île au port parfumé.

Avec The City of Lost Souls, Miike Takashi s’exerce dans ce pourquoi il est le plus connu : le film de mafia violent. Plusieurs groupes de personnages se font des crasses pour parvenir à leurs fins, s’affrontent avec des armes à feu et aux poings, prennent en otage des alliés, tout cela saupoudré d’une légère romance… La plus-value du film réside dans son ambiance latine, les personnages brésiliens jouant un rôle prépondérant, jusque dans leur jeu d’acteur – on pense à la comédienne mexicaine Patricia Menterola qui campe l’un d’eux, une prostituée qui a la charge de la fille de l’une de ses amies, pour laquelle elle joue la figure maternelle et Mario, la figure paternelle, dans ce milieu de la nuit. Menterola s’intègre parfaitement à cette bande d’acteurs miikien, et pourtant ne s’aventure jamais de plain-pied dans son style outrancier. Son rôle dans la scène finale, en amoureuse blessée, a quelque chose de détonnant et de surprenant dans ce film qui ne manque pas de crever l’écran, rappelant des images de romances tragiques italiennes ou hispaniques.

Miike Takashi, au début des années 2000, réalise des longs-métrages par pelletées. Certains sont des œuvres iconoclastes qui ont marqué le cinéma à leur manière (Audition, Ichi the Killer). D’autres servent de coups d’essai stylistiques. Ils ne sont pas entièrement fluides ou accomplis, mais offrent de véritables moments d’originalité pure. À cet effet, le premier opus de la trilogie Dead or Alive est doté d’une introduction magistrale et d’une scène finale décapante, avec un milieu assez terne. The City of Lost Souls se situe dans le creux de cette vague de films miikien, où bien que l’on décèle ses gimmicks avec lesquels il s’amuse – des personnages poseurs et des accès de violence de mafieux en tous genres, le film ne parvient pas à proposer de moments véritablement éclatants sur la durée. Il s’agit d’un film, qui en plus de se révéler assez sage en terme d’action, enchaîne les péripéties avec assez peu d’entrain, en fin de compte.

The City of Lost Souls est un film de Miike Takashi en mode mineur, qui ne comporte pas beaucoup de moments mémorables, mais restant agréable pour l’évocation qu’il fait de cette fièvre urbaine qui habite Tokyo en cette fin de siècle, dans la fiction.

Maxime Bauer.

The City of Lost Souls de Miike Takashi. Japon. 2000. Disponible dans le coffret Blu-Ray Miike Takashi sorti chez Spectrum Films en décembre 2023.

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