VIDEO – The Cursed: Dead Man’s Prey de Kim Yong-wan

Posté le 5 octobre 2022 par

Spin-off de la série éponyme disponible sur Netflix, oscillant entre l’horreur, le fantastique, l’intrigue policière et le drame, The Cursed, nouveau métrage scénarisé par le surdoué Yeon Sang-ho (Psychokinesis) avec la sublime Uhm Ji-won (The Record) est disponible en DVD et Blu-Ray chez The Jokers. Toujours aussi fasciné par les intrigues mêlant épreuves sociales, intrigues policières ou hordes de morts-vivants – infectés – zombies, le scénariste a-t-il réussi à renouveler son propos ?

Synopsis Une mystérieuse série de meurtres est perpétrée par des jaechaui (des cadavres ressuscités et capables de parler). Ces corps sont manipulés par quelqu’un.

La toute première relation avec le film, autant l’avouer dès l’entame et sans suspense superflu (et superficiel), est particulièrement positive. The Cursed est de ces métrages qu’on sait immédiatement qui vont nous faire passer un bon moment, devant une œuvre réalisée avec soin et concentration. Qu’il s’agisse donc de cette pénombre aux écharpes de lumières anthracites bleutées, de la qualité du maquillage et des effets spéciaux ou d’un générique n’ayant rien à envier aux production HBO, inutile de tourner autour du pot, de la marmite, de la casserole ou de ce que vous voulez : le film transpire l’implication. The Jokers est un éditeur/distributeur souvent particulièrement malin dans ces choix éditoriaux. Une fois encore, la société prouve son érudition et son amour pour les œuvres venues d’Asie et plus particulièrement de Corée (dans le top 3 mondial en terme de thrillers pour l’auteur de ces lignes, tout simplement). Qu’ils en soient les premiers remerciés.

Évidemment, impossible de nier que le choix de mettre en lumière le film de Kim Yong-wan (Champion avec le génial Ma Dong-seok) et Yeon Sang-ho, réalisateur – scénariste du formidable Dernier train pour Busan (et la boucle est bouclée) ne soit pas une prise de risque inconsidérée eu égard aux qualités respectives des précités. Les mêmes bons choix ont été appliqués au casting car de Kwon Hae-hyo (très convaincant dans le rôle de Lee Sang-hyo) aux captivantes Oh Yoon-ah (drama Alone in Love) ou Jung Ji-so (Parasite), les choix de comédiens font souvent mouche bien que tous soient sous-exposés et qu’aucun ne « traverse » réellement l’écran. Autre point à saluer et particulièrement complexe à expliciter (imaginez une critique de Se7en) : ce petit vent de fraicheur quant à la millième proposition d’un long métrage traitant de revenants désirant goûter les chairs. Ici, ils parlent, annoncent leurs méfaits, sont rapides, coordonnés, puissants et déterminés. Enfin ! Si ce n’est quelques exemples plus ou moins comparables comme 30 Jours de nuits pour les vampires ou 28 Jours plus tard pour les infectés, rares sont les menaces particulièrement effrayantes.

Alors donc que la série d’origine narre le chemin de croix d’ une journaliste (avec l’aide d’une adolescente capable de jeter de terribles sorts) affrontant un PDG démoniaque, le film semble lui s’écarter de prime abord des révélations (dans son entame) pour entretenir un suspense bienvenu pour les non-initiés. Une série que l’on ne peut d’ailleurs que vous conseiller si vous avez, par exemple, aimé la bande-dessinée ou son adaptation en série Black Mondays MurdersGloire à Mammon. Une vraie pépite. Avec aux manettes le raconteur d’histoire ayant séduit la planète avec Dernier train pour Busan, difficile de ne pas attendre monts et merveilles de cette nouvelle création après Peninsula, ses récits ayant captivé tous ceux ayant posé les yeux sur la pellicule et découvert sa puissance formelle, frontale, son émotion : celle d’ un cinéma coréen en perpétuelle mutation.

 » Quand il n’y a plus de place en Enfer, les morts reviennent sur Terre  »

Le récit propose donc d’accompagner, après une intrigante intervention à la radio, une journaliste particulièrement investie dans son métier (Kim Mi-soo, Hellbound) à la recherche d’un scoop, intriguée et donc jouant avec le feu parmi les manipulations, la violence, les actes incompréhensibles ou les pistes inquiétantes. On songe par exemple immédiatement aux images d’Épinal de « Jaechayi », un type de mort-vivant inspiré des monstres des contes folkloriques traditionnels coréens. Il fait ici particulièrement référence à un cadavre contrôlé par une malédiction infligée par un « puppet master« . Cette trouvaille est ici évoquée avec un minimum de subtilité pour ne jamais devenir ridicule, à l’instar de la peinture d’un mystérieux chaman et ses pentagrammes. Abstraite mais intrigante (on oscille toujours entre magie noire, bouddhisme, hindouisme, contes populaires folkloriques ou références modernes), l’intrigue est toujours rythmée avec suffisamment de pistes, de ruptures de ton et même de petites touches d’humour pour demeurer captivante.

Alors, tout n’est évidemment pas parfait car à l’évidence, pour ne citer que cet exemple, le chef d’œuvre de Nakata Hideo, Ring, a beaucoup inspiré Kim Yong-wan… De l’enquête de la jolie journaliste impliquée à la présence de l’occulte tapi dans l’ombre, du danger rôdant autour des enfants aux mises en garde de ses pairs ou même des corps brisés se muant en automates, le film, il faut le concéder, n’invente pas la recette usitée par le bijou précité. On songe également à Resident Evil (l’entreprise pharmaceutique sans scrupules Seungil Pharmaceutique VS Umbrella Corporation) ou la récente série The Outsider adapté de Stephen King et son golem encapuchonné. Même bémol pour sa mise en scène. Attention, le film est « propre », ses cadrages impeccables (magnifique scène de charges à vive allure contre les forces de l’ordre) et sa direction artistique réfléchie et esthétique. Mais on a tout de même l’impression de voyager en terrain connu. Dommage car visiblement, qu’il s’agisse des éclairagistes, du directeur photo ou des costumiers, il y a du talent partout derrière la caméra ! Évoquons sans réserve également les leitmotivs souvent agaçants de la séquence du spécialiste expliquant, pour les 3 du fond qui jouent sur leurs téléphones, les contes folkloriques pour les nuls. Il vulgarise alors à outrance une thèse de 5 ans sur les croyances millénaires et explique qui, pourquoi, comment le manipulateur œuvre dans l’ombre en 3 minutes pour accélérer l’enquête. Mais cela, on y coupe jamais : même David Fincher y a recours…

L’enquête aurait donc pu se révéler bien plus subtile et passionnante mais force est d’admettre qu’elle se résume en quelques mots. Plusieurs équipes cherchent à découvrir la vérité sur un incident au cours duquel le coupable d’une étrange affaire de meurtres en série s’avère être un cadavre réanimé. Après quelques investigations sur le bourreau, il semble s’agir d’un expert en chamanisme (Dukun) venu des entrailles de l’Indonésie et souhaitant faire payer les responsables sans honneur d’expériences médicales. Pour cela, il manipule une bande de morts-vivants. Cette exégèse condensée, on l’entend dès la première moitié du film, sans oublier que le spectateur ne ressent aucune sympathie pour les victimes – employés d’une entreprise cynique et sans principes. Difficile donc de tomber dans l’excès d’empathie et encore moins de craindre les enjeux. Le tout étant exposé, la dernière bobine ne concernera en somme que le fait de réussir ou pas à sauver les crapules et arrêter le marionnettiste, entre deux scènes d’action transpirant le cahier des charges rythmique. De l’aveu même du scénariste, il a privilégié, pour cette version étendue de la série, l’action qu’il jugeait frappante. On doute toutefois de ses certitudes tant les moments de bravoure semblent artificiels. On  préfère citer son propos bien plus intéressant : « La seconde moitié du film, qui révèle l’histoire de la rédemption, est suffisamment pointue pour révéler le visage nu de la société coréenne« . On s’autorise à imaginer que peut-être, ici, l’on évoque l’amour d’un père pour sa fille…

The Cursed est in fine une œuvre très soignée qui, a contrario d’Evangelion par exemple, est compréhensible par elle-même. Un récit souvent captivant, une interprétation impliquée ou des effets spéciaux magnifiant quelques scènes d’action quelconques mais divertissantes : il n’y a vraiment pas grand chose à reprocher au film si ce n’est d’arriver en 2022. On saluera donc le soin apportée à chacune de ses facettes, du travail du chef opérateur à la direction d’acteurs (particulièrement louable). On saluera enfin la cohérence du travail opéré au regard de la série car au-delà du duo d’actrices, réalisateur et scénariste reprennent eux-aussi respectivement leur rôle et cela se ressent. On aurait certes aimé assister à une révolution thématique sur pellicule mais bien que citant (un peu trop) ses illustres prédécesseurs de Death Note à Ju-On, de The Strangers de Na Hong-jin au travail de Guillermo Del Toro, il faut le concéder : on a connu pire inspiration.

PS : Cet article est humblement dédié à l’actrice Kim Mi-soo. The Cursed, sorti en juillet 2021 en Corée, fut sa dernière apparition au cinéma avant sa mort le 5 janvier 2022.

Jonathan Deladerrière

The Cursed de Kim Yong-wan. Corée. 2021. Disponible en DVD et Blu-Ray le 05/10/2022 chez The Jokers.

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