VIDEO – God of Gamblers II de Wong Jing

Posté le 6 octobre 2023 par

Fort de son succès en 1990, Wong Jing donne une première suite à God of Gamblers, sobrement intitulé God of Gamblers II, et qui est aussi une suite au film All for the Winners. Le film est disponible dans le coffret Spectrum Films dédié à la saga.

Après que le Dieu du jeu ait pris sa retraite, son disciple, le Chevalier du jeu, le remplace et jouit d’une réputation toute aussi grande. Il s’agit du voyou qui autrefois l’a aidé à sortir d’une mauvaise passe. La situation dérape lorsque Sing Cho, un garçon capable de télékinésie, se décide à vouloir prendre sa place. Mais eux-deux devront s’allier pour venir à bout d’un escroc se faisant passer pour le disciple véritable du Dieu du jeu…

Malgré des péripéties scénaristiques balourdes, God of Gamblers premier du nom a su se faire une place dans le cœur du public hongkongais. Dès lors, le réalisateur et producteur Wong Jing met en œuvre une franchise autour de ce premier film. Pour l’heure, seul Andy Lau rempile, dans le rôle de l’ami et disciple de Chow Yun-fat, et se voit affublé d’un acolyte en la personne de Stephen Chow, en passe de devenir le roi de la comédie cantonaise à l’orée des années 1990, et qui retrouve ici le personnage qu’il a déjà composé pour un autre film, All for the Winners, une parodie de God of Gamblers sortie rapidement dans les salles hongkongaises. Ainsi, God of Gamblers II est un crossover de deux machines à faire des entrées. D’ailleurs, Stephen Chow est accompagné de son love interest interprété par Sharla Cheung Man et de son oncle, campé par Ng Man-tat, deux acteurs présents dans le premier opus mais qui rempilent pour leur rôle de All for the Winners… Vous suivez ?

God of Gamblers II n’évite pas les turpitudes scénaristiques à gros sabots de ces productions hongkongaises, tout comme son prédécesseur. La différence, c’est que les péripéties sont plus variées et permettent paradoxalement de mieux respirer dans ce maelström d’évènements improbables, et de mieux les digérer chacune une à une. On ne s’ennuie pas dans God of Gamblers II, d’autant que la touche comique offerte par Chow et Ng se révèle fort plaisante, tous deux étant au top de leur forme comique à cette époque – dans le premier volet, Ng jouait le rôle d’un mafieux violent, peu de place pour la comédie donc. Bien que le film repose sur un duo, l’accent est plus marqué sur le personnage d’Andy Lau, ce qui permet de revisiter l’univers du premier film. Lors de son échec face à l’usurpateur, on le retrouvera dans son ancien et modeste logis, où il rencontrera son ancien et riche voisin devenu pauvre. Que ce soit pour le premier ou ce deuxième volet, ce voisin koweïtien est une occurrence rare d’un personnage non-asiatique et non-blanc un tant soit-peu développé dans le cinéma hongkongais de cette période (et même encore de nos jours). Pris par méprise pour un Indien en premier lieu, il est doté d’un caractère hautain de nouveau riche (puis de bourgeois déchu) lui donnant de l’épaisseur malgré son peu de temps à l’écran. L’écriture de ce protagoniste est l’un des rares points d’originalité du film.

En effet, que ce soit l’ascension et la chute du Chevalier du jeu face à un usurpateur, l’introduction du fantastique avec les pouvoirs psychiques de Sing Cho, les divers liens d’amitié, d’amour et de rivalité entre les protagonistes, rien ne sort vraiment de l’ordinaire en termes de scénario et de narration. Seul l’un des antagonistes finaux, un borgne avec lui aussi des pouvoirs psys qui vient contrer l’action du personnage de Stephen Chow, monte le niveau. Il possède une véritable gueule et la partie qu’il brouille en devient particulièrement intense, même si encore une fois, ce gimmick de scénario n’a rien de foncièrement inédit ou original, donnant l’impression d’un déjà vu.

God of Gamblers II est un pur fruit du cinéma commercial de son époque, avec ses outrances et son cachet qui séduiront les uns et laisseront de côté les autres. La variété de ce qui s’y déroule empêche de plonger dans la lourdeur extrême, mais sa construction révèle tout de même beaucoup trop de facilités çà et là.

Bonus de Spectrum Films

 

 

Présentation d’Arnaud Lanuque (7 min). Tout en sobriété, Arnaud Lanuque replace God of Gamblers II dans le contexte de ces productions mélangées avec une clarté salutaire. Il donne également quelques infos intéressantes, comme la viabilité du duo Andy Lau/Stephen Chow qui sera réutilisé dans un autre film de Wong Jing, sur le sujet des farces et attrapes et inaugure tout un phénomène autour des films tricksters. Lanuque ne manque pas d’analyser pourquoi le film fonctionne à certains moments et à d’autres non, invoquant le parasitage mutuel du comique de Wong Jong et Stephen Chow.

Interview de Wong Jing en 2004 (21 min, archive de Frédéric Ambroisine). « Mes films sont des produits » ; « Je ne pense qu’au retour sur investissement » ; « Il n’y a aucune considération artistique dans mes films« , autant de phrases que l’on peut entendre dans cette entrevue et qui ont de quoi rendre le réalisateur particulièrement antipathique pour les cinéphiles. Et pourtant, derrière ce vernis d’accro à l’argent – sans doute un peu par provoc – se cache quelqu’un qui a le sens aigu du cinéma et qui dispose d’excellentes références cinéphiliques. Cette interview est passionnante et se révèle fort bien montée par l’entrecoupement d’extraits et de photos des personnes citées.

Maxime Bauer.

God of Gamblers II de Wong Jing. Hong Kong. 1990. Disponible dans le coffret God of Gamblers paru chez Spectrum Films en septembre 2023.

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