Baba Bling : le raffinement Peranakan s’invite au Musée du Quai Branly

Posté le 20 octobre 2010 par

D’octobre 2010 à février 2011, le musée du quai Branly nous ouvre les portes d’une maison Baba, dévoilant ainsi le raffinement d’une des communautés les plus importantes de Singapour : les Peranakans avec l’exposition Baba Bling, signes intérieurs de richesse à Singapour

L’exposition “Baba Bling, signes intérieurs de richesse à Singapour”, qui présente pour la première fois en Europe, près de 500 pièces du musée Peranakan, invite le spectateur à découvrir la richesse de cette communauté métissée à travers les mystères de son art de vivre et de son foyer. Clé de voûte du Singapour Festivarts, cette exposition, à la scénographie originale propose de déambuler dans les différentes pièces d’une maison Baba. Voici donc un petit tour d’horizon de Baba Bling, dont le raffinement de la scénographie enchantera petits et grands.

Les objets de la fin du 19è siècle et du début du 20è siècle, présentés à l’occasion de l’exposition Baba bling, signes intérieurs de richesse à Singapour, sont les témoins de l’apogée d’une des communautés les plus prolifiques de Singapour : les Peranakans. Descendants des commerçants chinois et malais venus s’implanter sur l’île dès le 17è siècle, les Peranakans connurent avec l’ouverture du canal Suez en 1869 un essor économique incroyable, qui se reflète dans un art de vivre d’une grande richesse. En plus de dévoiler les mystères de l’intérieur très ritualisé Peranakan, les objets présentés témoignent du métissage de cette communauté qui su naviguer avec aisance entre les cultures chinoises, malaises, indiennes et occidentales. Petite visite guidée…

Baba Bling

Le parcours en period rooms se veut une évocation du plan en lanière des maisons Baba, en apparence très simple mais en réalité très complexe en regard des rites et des codes qui régissent chacune des pièces. Ainsi l’exposition s’ouvre avec le hall d’accueil, pièce où sont reçus les étrangers. Dans cet espèce de sas trône face à l’entrée un autel des ancêtres composé d’un brûle encens et surmonté du portrait du fondateur de la lignée. Se dresse également face à l’entrée un imposant paravent, incroyablement décoré et finement ciselé, qui dissimulait au visiteur étranger les parties privées de la maison. Derrière ce paravent, se trouve un autre hall, le hall des cendres, ainsi nommé en référence aux cendres des bâtonnets d’encens qui brûlent en hommage aux ancêtres. Un deuxième autel trône dans la troisième pièce, celle-ci réservée à la famille et aux intimes. Dédié aux ancêtres, ces derniers sont représentés par des portraits qui ornent la pièce.

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Voilà une des parties les plus intéressantes de l’exposition. Nous y apprenons que pour les Peranakans, les portraits n’avaient pas de valeur décoratives, mais au contraire symboliques puisqu’ils revêtaient une fonction commémorative. En effet, réalisés à l’occasion du mariage des propriétaires, les portraits ne sont montrés qu’après leurs morts. Nous découvrons ainsi de magnifiques portraits peints aux styles variés allant du réalisme le plus académique comme ceux de Tan Jiak Kim ou de Song Ong Siang, au dépouillement moderniste comme ceux de Tan King Seng ou de Tan Beng Wan. Ce dernier est particulièrement intéressant pour ses aplats de couleurs. Nous retiendrons également les portraits surprenants de Monsieur et Madame Tan Soo Bin en mosaïques produit dans un atelier vénitien. L’apparition de la photographie sur le marché en 1840, avec un coût de production moindre, met fin aux portraits peints. Nous sont également présentés des exemples de portraits photographiques. Tandis que les portraits peints offrent plus de variantes tant au niveau du style, qu’au niveau du cadrage et de la pose – portrait debout, assis intégré dans un décor intérieur – les portraits photographiques sont beaucoup plus rigides et académiques avec une prédilection pour la pose de trois quart épaule souligné par l’ovale du cadre.

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Autre élément, à la fois commémoratif et décoratif, qui vient rompre l’apparente simplicité organisationnelle des maisons Baba, c’est le riche mobilier. Ce dernier, au cœur des autels qui rythment l’intérieur Peranakan, propose une ornementation fastueuse et une iconographique pour le moins originale, puisqu’elle marie de manière insolite différentes influences religieuses : religion populaire chinoise, Taoïsme, Confucianisme, Bouddhisme, culte des ancêtres, voire Catholicisme… Une des pièces les plus surprenantes de l’exposition est un autel mural du début du 20ème siècle de style brown & gold, typiquement chinois, dont l’ornementation associe divinités chinoises au sommet, et la sainte famille en son centre. Ainsi dragons et autres phoenix côtoient de façon incongrue pour le spectateur occidental que nous sommes, mais néanmoins harmonieuse, la Vierge Marie et l’enfant Jésus. Outre le syncrétisme religieux, ce meuble témoigne des nombreuses conversions au catholicisme au début du 20ème siècle chez les familles Peranakans pour permettre à leurs enfants d’intégrer les écoles britanniques. Ainsi sans renier leurs cultures et croyances, les Peranakans marient l’influence catholique à une base déjà richement métissée. Cet autel mural ô combien insolite atteste de l’aisance avec laquelle la communauté Baba, s’adapte et s’approprie au gré des rencontres, les nombreuses influences malaises, indiennes, britanniques, hollandaises, témoignant également de sa tolérance.

Ce syncrétisme religieux, voire ce patchwork culturel est également criant dans les habitudes vestimentaires des Peranakans et plus particulièrement des femmes : les nyonya. Ces dernières associaient au classique sarong indonésien, des dentelles hollandaises et belges ainsi que des voiles de cotons suisses, donnant à leur tenue des accents à la fois orientales et occidentales. Les Peranakans se sont surtout émanciper de leurs influences chinoises, en tournant le dos à la pratique des pieds bandés. Ainsi les nyonya, arboraient de curieuses et très modernes mules gracieusement décoré de perles. Couleurs chatoyantes, fines broderies, tissus délicats, et accessoires fantaisistes composent une garde robe particulièrement précieuse et gracieuse, dont de nombreux exemples nous sont présentés dans la cinquième salle de l’exposition, qui annonce le faste de la salle suivante consacré aux rites qui gouvernent le mariage Peranakan.

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De la même façon que l’intérieur d’une maison Baba suit des règles et des rites très précis, le mariage Peranakan traditionnel est rythmé durant les douze jours que durent la cérémonie, de nombreux rituels allant de l’échange d’horoscope des futurs époux, la consultation du calendrier lunaire pour fixer la date du mariage, la décoration des maisons, la bénédiction du lit nuptial… Ce dernier impressionne de par le foisonnement de son ornementation. Mobilier le plus imposant des parties privées, le lit nuptial en bois finement sculpté est somptueusement décoré de rideaux, de tapisseries et de pompeux. Ainsi, le luxe et le raffinement sont au rendez vous des vêtements, mobiliers, autels, lanternes et vaisselles conçu spécialement pour l’évènement. La vaisselle se pare d’ailleurs pour l’occasion de ses couleurs les plus chatoyantes à l’inverse de la porcelaine blanche et bleue utilisé au quotidien et pour les jours de deuil. Ainsi tout dans l’intérieur Baba, du plan de la maison à l’ornementation a une portée symbolique, une signification et est parfaitement ritualisé.

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La scénographie, conçue par Nathalie Crinière, aussi raffinée que les objets présentés, fait de Baba bling, signes intérieurs de richesse une exposition agréable mais qui pêche par son contenu. Il aurait été notamment intéressant de présenter quelques artistes contemporains. D’autant plus que Singapour s’impose comme une plaque tournante du marché de l’art en Asie, avec les foires Art Singapour, ou encore Art Stage Singapour qui s’inaugurera en 2011 sous la direction de Lorenzo Rudolph, ancien directeur artistique de Art Basel. Pour conclure, cette exposition très ludique avec ses nombreux écrans tactiles qui proposent des jeux interactifs, reste divertissante et intéressante, et fera la joie des petits comme des grands.

Sonia Recasens.

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