VIDEO – A Man called hero d’Andrew Lau

Posté le 5 mai 2023 par

Dernièrement, l’éditeur Spectrum Films a proposé au cinéphile de redécouvrir en vidéo The Storm Riders, renouveau énergique du wu xia pian de la fin des années 90 à Hong Kong. Mais bonne surprise, le film en question est accompagné, sur un deuxième disque, de A Man called hero ; son film jumeau en quelques sorte, qui entendait bien capitaliser sur le succès de The Storm Riders.

En effet, le film The Storm Riders a plutôt bien fonctionné au box-office de Hong Kong, et également asiatique de manière générale. Aussi, Manfred Wong et son complice Andrew Lau entendent bien battre le fer tant qu’il est chaud, et continuer à faire revenir les spectateurs dans les salles. Sans aller chercher trop loin, et la formule avait plutôt bien fonctionné avec The Storm Riders, ils décident de se lancer dans l’adaptation d’un autre manhua intitulé Chinese Hero: Tales of the Blood Sword – une bande dessinée dense et dont la parution s’est étalée sur plus de quinze ans. Côté production on prend (presque) les mêmes et on recommence : Andrew Lau derrière la caméra, Ekin Cheng dans le rôle principal, Shu Qi dans un second rôle et Anthony Wong venu passer une tête. L’ambition est simple : réitérer le succès de The Storm Riders. Mais au final, si le film arrive sur certains aspects à se démarquer en bien de son prédécesseur, tant sur le fond que sur la forme, il en conserve également les pires aspects et apporte son lot de frustrations et d’actes manqués.

Dans A Man called hero, l’heure n’est plus aux légendes fantastiques, aux héros dotés de pouvoirs magiques et aux grands méchants ourdissant de sombres complots. Le contexte est un peu plus contemporain : nous sommes en 1920, avec les mésaventures d’un homme appelé Hero (Ekin Cheng, plus mono-expressif que jamais), qui va découvrir que ses parents se sont fait tuer suite à un acte de son père considéré comme outrageux par les autorités. Ivre de colère, il tue un des assassins et s’enfuit aux Etats-Unis, laissant femme et bientôt enfant derrière lui. Seize ans plus tard, son fils débarque avec son oncle et part à la recherche de son père. De rencontres en longs flashbacks, il va tenter de remonter la piste de son père.

De prime abord, on peu saluer l’initiative de mettre de côté toute velléité de reproduire le schéma du conte fantastique qui avait fait le succès de The Storm riders. Ici, l’histoire se passe principalement à New York, avec en toile de fond l’arrivée des migrants chinois à Ellis Island, lieu incontournable pour les étrangers venus tenter leur chance en Amérique. Le ton est résolument plus sombre, pour un film qui lorgnera plus souvent du côté du drame d’époque que de l’adaptation de bande dessinée d’action. Les clichés incontournables sont là, les méchants Américains racistes qui exploitent les Chinois dans les mines, la solidarité indéfectible et le sens de l’honneur des frères chinois, entre autres. Et c’est là que le film commence quelque peu à dérailler. Conscient, ou pas d’ailleurs, que le public n’est pas forcément venu voir un drame d’époque de deux heures, le film va commencer à partir dans tous les sens, sans trop se soucier de l’homogénéité de l’ensemble. Mal aidé par une succession de flashbacks plus ou moins bien amenés et à la longueur parfois préjudiciable, le métrage bascule sans prévenir d’un genre de film à l’autre. On peut donc se retrouver face à une scène émouvante d’arrivée dans la douleur à Ellis Island, enchaîner avec une séquence de combat en pleine quartier chinois pour finir avec une pure scène mélodramatique, ou alors un affrontement en flashback dans un temple à grands coups de pouvoirs magiques (totalement hors sujet vu le contexte). C’est quelque peu dommage que le film n’arrive jamais à rester sur de bons rails car il est plutôt appréciable de voir un blockbuster clairement destiné au grand public oser aborder le sujet sérieux de l’exploitation des immigrés chinois sur le sol américain en 1936. Le film en devient parfois aussi confus que The Storm Riders, à force de développer des personnages et leur storyline qui ne font pas avancer l’histoire (le personnage de Shu Qi, dont on peine à comprendre les motivations).

Du côté de la mise en scène, comparé à son précédent film, Andrew Lau a fait quelques efforts derrière la caméra. Le rythme de A Man called hero est beaucoup moins soutenu et épique que The Storm Riders,  et d’aucun diront qu’il est beaucoup plus bavard et beaucoup plus chiche coté action pure que son prédécesseur. Cependant, cela permet à son réalisateur de se modérer sur les scènes d’action filmées n’importe comment, truffées d’effets saccadés et montées en dépit du bon sens. Parfois même, au détour d’une séquence d’affrontement au temple, Andrew Lau arrive à mettre en scène des plans d’une beauté qui tranche avec le reste, avec par exemple celui d’Anthony Wong sabre au poing sous la pluie dans la cour d’un temple. Mais le naturel revient rapidement et les effets spéciaux des Studios Centro viennent nous rappeler qu’à Hong Kong, coté CGI, il y a encore beaucoup de progrès à faire, avec notamment un climax à la Statue de la Liberté d’une laideur sans nom, mal découpé et aux effets visuels aux limites de l’amateurisme.

Sans être foncièrement honteux mais sans être non plus inoubliable, la faute à un rythme décousu, un récit incompréhensible et des effets spéciaux aux limites de l’indigent, A Man called hero demeure cependant un divertissement dans la moyenne, sauvé par quelques chorégraphies plutôt travaillées et un sous-texte socio-politique assez inattendu dans ce genre de production.

Les Bonus :

Présentation d’Arnaud Lanuque : Dans cette vidéo, Arnaud Lanuque revient sur la production du film d’Andrew Lau. Aussi passionnant que son intervention sur The Storm Riders, il aborde tous les aspects de la mise en chantier du film, avec moult anecdotes et sans langue de bois, surtout lorsqu’il aborde le manque de charisme de son acteur principal obligé ici de tenir le film sur ses épaules.

Making-of : un documentaire d’époque qui revient sur le tournage du film, à travers les souvenirs et témoignages des comédiens, producteurs et réalisateurs. L’ensemble reste cependant très orienté promotion où tout le monde a l’air visiblement très heureux de s’être retrouvé après The Storm riders.

Rencontre avec Panos Kotzathanasis : un module assez clair et concis dans lequel l’intervenant présente assez basiquement le film, ses personnages et ses enjeux. Un bon complément au film, en quelque sorte.

Interviews : On retrouve ici des interviews d’Andrew Lau, du compositeur Comfort Chan et du producteur Manfred Wong, mais elles ressemblent en tout point à celles présentes dans les bonus de The Storm Riders.

Romain Leclercq.

A Man called hero d’Andrew Lau. Hong Kong. 1999. Disponible dans le combo Blu-ray The Storm Riders/A Man called hero chez Spectrum Films en février 2023.

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