FFCP 2022 – Entretien avec Choi Kook-hee (Life is Beautiful)

Posté le 5 novembre 2022 par

Invité d’honneur du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) 2022, Choi Kook-hee nous a fait le plaisir de répondre à quelques questions en entretien concernant son nouveau film, Life is Beautiful, présenté et projeté lors de la cérémonie d’ouverture.

Après deux années sanitaires difficiles pour l’industrie du cinéma, vous revenez sur le devant de la scène avec la comédie musicale Life is Beautiful. Vouliez-vous transmettre du bonheur aux spectateurs, leur offrir de la joie ?

Oui, je pense qu’il y a un petit peu de cela. Je pense que les gens ont besoin de quelque chose de pas trop grave en ce moment, ou en tout cas de rire un peu.

Vos deux précédents films, Split et Default, avaient justement quelque chose de beaucoup plus sérieux. Pourquoi être parti tout à coup sur une comédie musicale ?

En fait, le sujet est finalement assez lourd puisqu’il traite quand même de la mort, ou plutôt du « mourir-bien » (rires). On sait tous ce qu’est la mort, que c’est quelque chose qui nous attend, dont on a tous peur et à laquelle on évite de penser. Le sujet est difficile mais j’ai essayé, moi et tous mes collaborateurs, une approche pas trop plombante. Pour gagner en légèreté, la seule solution était justement qu’il y ait un peu de danse et de chanson et c’est comme cela que nous avons abouti à la comédie musicale. La personne qui a initialement pensé au projet m’a dit que ce serait bien que le film en soit une. J’ai réfléchi et je me suis dit que c’était assez rationnel.

Il n’y a pas de musique originale, mais uniquement des tubes revisités de la pop coréenne des années 1970 aux années 2000. Comment s’est faite la sélection pour cette comédie musicale ?

Je ne suis pas un grand amateur de comédie musicale. Je dirais que l’ordre a été inversé. C’était d’abord le sujet de la mort qui a fait que j’ai commencé à réfléchir à la comédie musicale, l’histoire qui m’a d’abord plu. Pour alléger cette lourdeur, j’ai choisi ce genre. J’ai d’abord choisi des chansons dont les paroles pouvaient coller au contexte ou à la situation du film. Il y a énormément de chansons, de genres différents, de tonalités différentes. Nous avons eu plusieurs « chansons candidates » mais nous avons choisi ce qui était le plus adéquat et ce qui pouvait vraiment représenter à la perfection une scène donnée.

Ce sont des musiques avec lesquelles vous avez grandi ? Dont vous êtes nostalgique ?

Oui tout à fait, il y a des chansons que j’écoutais quand j’étais enfant et puis d’autres quand j’étais au collège ou au lycée. Mais ce sont plutôt des chansons que le personnage principal aurait pu écouter puisqu’elle vit à cette période-là.

Yum Jung-ah et Ryu Seung-ryong tournent pour la première fois dans un film musical. Comment était-ce de diriger ces deux acteurs pour le chant et la danse ?

Ces deux acteurs sont maintenant dans leur cinquantaine. Ce sont des acteurs qui n’avaient jamais fait de comédie musicale, ils ne sont pas du tout habitués, n’ont en tout cas pas fait d’exercice et ne sont pas entraînés pour être des professionnels de la danse et de la chanson. Ce sont vraiment des amateurs qui commençaient à partir de zéro. Effectivement, il y a en Corée des acteurs qui ont à peu près le même âge et qui sont des professionnels. Mais pour moi, cela m’importait peu. Je recherchais avant tout des gens qui pouvaient bien jouer plutôt que des gens qui pouvaient bien chanter ou danser. Je savais que ces deux acteurs ne pouvaient pas atteindre le top, mais le jeu était pour moi beaucoup plus important. Au début, je m’étais fixé un niveau mais en les voyant j’ai commencé à l’abaisser un petit peu (rires) parce qu’ils ne pouvaient pas atteindre celui que j’espérais. Je ne regrette finalement rien aujourd’hui car leur jeu est très bon.

Avez-vous des anecdotes de tournage à nous partager à ce propos ?

Du fait de leur certain âge, leur danse n’est pas naturelle car ce ne sont pas des danseurs. Au cours du tournage, il y a eu plusieurs petites blessures ici et là. Par exemple au genou. Le médecin de l’équipe disait qu’ils avaient besoin de repos. Ils ont pris des anti-douleurs mais je pense qu’ils étaient vraiment passionnés et nous avons donc continué à tourner malgré cela.

Pour revenir sur le portrait de cette mère atteinte d’un cancer incarnée par Yum Jung-ah, qu’avez-vous voulu dire ou peut-être dénoncer de la famille coréenne contemporaine ?

Le verbe « dénoncer » n’est peut-être pas vraiment adéquat. Ce que je voulais montrer, c’est qu’à l’époque de la génération de nos mères, elles ont toutes eu une vie plus ou moins semblable. Ces femmes ne haussaient pratiquement jamais la voix à la maison et se sont vraiment sacrifiées pour leur mari. Bien sûr, la société coréenne a aujourd’hui beaucoup évolué et c’est donc très différent. Mais je dirais que plus que dénoncer, c’était une sorte d’hommage à ces mères-là.

Pour quelle raison avoir donc, en quelque sorte, refusé le happy ending à cette mère ?

Je pense que le sujet principal du film est celui de la mort, mais également du « bien-mourir » comme nous en parlions. C’est-à-dire que je ne voulais pas me concentrer sur l’histoire d’une personne qui allait survivre à un cancer, mais plutôt sur celle d’une famille qui accepte son destin, qui accepte la mort. Même s’il ne nous reste que quelques mois à vivre, je voulais dire que lorsque l’on est bien entouré de personnes qui nous aiment, la mort n’est pas si tragique que cela.

Propos recueillis par Richard Guerry le 27/10/2022 à Paris.

Remerciements à Marion et à toute l’équipe du FFCP.

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