FFCP 2022 – Une Femme coréenne d’Im Sang-soo

Posté le 1 novembre 2022 par

Le cinéaste Im Sang-soo est l’invité d’honneur du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP). Le festival se replonge donc dans ses chefs-d’œuvre, à commencer par Une Femme coréenne, exploration maline et sensuelle du couple et du désir féminin.

De Girls’ Night Out à L’Ivresse de l’argent en passant par Le vieux Jardin, le cinéma d’Im Sang-soo est irrigué d’une méchante irrévérence dont la violence surgit sans crier gare. Une Femme coréenne, sorti en 2005 dans les salles françaises, ne déroge pas à la règle.

Le film suit Ho-jung (Moon So-ri), une femme délaissée par son mari infidèle Yeong-jak (Hwang Jung-min) et qui débute une relation avec son voisin, adolescent inexpérimenté. De ce postulat très classique, Im compose un drôle de tableau.

La musique entêtante du film, jouée au xylophone, donne tout de suite le ton. Une Femme coréenne se veut dans un premier temps léger, jouant sur une polissonnerie bon enfant, explorant les envies et les contradictions de gens tiraillés entre leurs envies profondes et ce que la société exige. L’expression de ces frustrations est cristallisée dans le sexe, toujours filmé avec crudité par le cinéaste qui prend de front les questions de désir et de plaisir. Le sexe est l’expression de soi totale, le relâchement des corps et des esprits, qui permet de trouver un équilibre, ou de tenter d’en trouver un.

 

Entre Ho-jung et Yeong-jak, une scène de sexe initiale vient révéler tous les problèmes du couple, les non-dits ou les injonctions sociétales. Ce sont deux personnes qui ne sont plus amoureuses, incapables de se donner du plaisir ou de vivre ensemble.

Cette incommunicabilité, ses désirs refoulés déboucheront sur un drame qu’Im Sang-soo ne rend pas racoleur et vain. Il est au contraire inéluctable dans un récit parfaitement huilé. En filmant les hommes comme des enfants incapables de gérer leurs émotions et leur désir face aux femmes, Im inverse intelligemment les valeurs et montre que l’enfermement n’est peut-être pas du côté qu’on croit.

Le film prend le parti des femmes de la plus belle des manières, en leur offrant une totale expression de leur corps et de leurs envies. Il montre une Corée du Sud en plein changement, où les corps et les langues se délient.

Bien qu’on observe une libération des femmes, le film montre également les impasses de la société coréenne sans détour. Im Sang-soo ne perd pas sa fibre politique et sociale. Les deux personnages font partie d’un milieu aisé, lui étant avocat. Yeong-jak est respecté tandis que, lui, voit ses clients pauvres comme un moyen de briller. Les prolétaires sont des gens que personnes n’écoutent, dont on se moque ouvertement et qui finissent dans le film par jouer le rôle auquel la société les destine. La cruauté du récit tient énormément à ces petits détails : une femme qui s’excuse pour les crimes de son mari, un billet glissé à un policier pour amadouer, une plaidoirie désinvolte d’un avocat face à une femme qui joue sa vie.

Mais les choses sont claires dès la première séquence, quand Yeong-jak tombe dans une fosse contenant des cadavres de victimes de meurtre. Ce personnage d’avocat bourgeois bien sous tous rapports a du sang sur les mains. Au-delà de ses jeux d’amour et de désir, il y a un pays dévoré par les inégalités. Le sexisme, les rapports de classe, tout cela n’a plus aucune importance quand il tombe dans ce trou sale. Trou que le personnage ne quittera finalement plus. Chez Im Sang-soo, quand on creuse la croûte bourgeoise, on y trouve la saleté.

Jérémy Coifman.

Une Femme coréenne de Im Sang-Soo. Corée du sud. 2003. Projeté au FFCP 2022

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