VIDEO – Hero de Corey Yuen

Posté le 30 septembre 2022 par

Poursuivant son exploration du catalogue de la Shaw Brothers, Spectrum Films nous propose en combo Blu-ray/DVD Hero de Corey Yuen, sorti en 1997, une revisite du légendaire Boxer from Shantung/Le Justicier de Shanghai de 1972. Alors que l’original est un film majeur du cinéma d’arts martiaux, réalisé par un Chang Cheh au sommet de son art, Hero s’avère très décevant et montre une Shaw Brothers des années 1990 bien essoufflée.

Ma Wing-jing et son frère aîné débarquent à Shanghai dans l’espoir d’obtenir une meilleure vie que dans leur province. Ils y rencontrent un chef mafieux charismatique qui leur ouvre la voie du milieu des triades. Entre eux va s’installer une relation d’amitié et de rivalité, notamment en ce qui concerne les femmes. Mais le chef de gang d’un autre secteur entend bien les mettre tous à terre pour récupérer les territoires de la ville, en usant de coups-bas et avec la complicité d’une police corrompue.

À l’époque de la sortie de Hero, la Shaw Brothers avait terminé son âge d’or depuis plus de 10 ans. La productrice Mona Fong oriente le studio vers des remakes de leurs classiques – Johnnie To s’est attelé à The Bare-Footed Kid, qui adapte un autre classique de Chang Cheh. Corey Yuen, réalisateur important du cinéma hongkongais à partir des années 1980, ancien pensionnaire de l’Opéra de Pékin à Hong Kong (d’où viennent Jackie Chan, Sammo Hung, Yuen Biao qui joue dans Hero, Yuen Woo-ping…) est désigné. Le tournage commence en 1995 en Chine et la production s’avère compliquée. Ce que l’on peut dire de Hero, c’est que d’une part le film s’éloigne très vite de son modèle original, et que d’autre part il applique les gimmicks du cinéma hongkongais des années 1990 de manière automatique et peu inspirée.

S’éloigner de son modèle original est souvent une judicieuse idée en matière de remake, car cela permet une variation de point de vue autour d’un même sujet. Le star-system hongkongais des années 1970 et celui des années 1990 est radicalement différent : alors qu’après l’onde choc Bruce Lee, l’heure est aux véritables artistes martiaux (expliquant ainsi le choix et la percée de Chen Kuai-tai pour le rôle principal de Boxer from Shantung), les années 1990 préfèrent, pour les rôles masculins, de beaux jeunes hommes fins, souvent chanteurs de cantopop en parallèle. Kaneshiro Takeshi rentre parfaitement dans ce moule. Mais l’acteur qui brille chez Wong Kar-wai, bien dirigé, peine à convaincre dans ce qui apparaît comme une production d’actioner tout à fait simple. Son interprétation n’est d’ailleurs pas aidée par l’écriture de son personnage, qui se perd dans des péripéties étranges et sans toujours de lien entre elles. On touche le problème principal du film : son écriture se révèle aussi chaotique que son tournage, nous emmène d’un lieu à un autre de manière brutale mais sans que la qualité de la mise en scène ne parvienne à rendre ce changement étonnant ou plaisant. Les turpitudes du héros et de ses comparses peinent à se rendre intéressantes et finissent par lasser.

Les tronçons de scénario répondent à la façon hongkongaise de mettre en scène les films d’action durant cette période du cinéma de l’ex-colonie britannique. À une discussion entre des personnages se faisant face, suit une séquence martiale, puis une scène romantique, puis une autre séquence martiale, un moment de lâcher-prise et un combat dantesque en guise de bouquet final ; le tout, dans des décors paraissant factices bien que tournés en Chine, et loin de la patine des décors de la Shaw des années 70 à Clear Water Bay. Un grand sentiment d’artificialité émane de Hero. Bien que la scène de combat final soit réalisée dans les règles de l’art, avec un découpage dynamique comme à l’accoutumée, il demeure une sensation de manque de saveur, comme si ce cinéma avait déjà tout dit. Bien entendu, le cinéma d’action connaîtra encore un beau souffle dans les années 2000, mais sans la Shaw Brothers.

Hero est de ces films mineurs du cinéma hongkongais, un décalque sans entrain des meilleures occurrences du genre. Son grain ne plairait sans doute qu’aux amoureux éternels du cinéma de genre hongkongais, qui y retrouveront çà et là toutes les composantes de ces films d’action.

Bonus de Spectrum Films

Présentation d’Arnaud Lanuque (12 min) : une fois n’est pas coutume, la présentation d’Arnaud Lanuque, qui parvient pourtant à expliquer très bien la production du film, manque d’informations vraiment intéressantes. Peut-être peut-on attribuer cela à l’absence de substance du film.

Essai vidéo de Alex Rallo (10 min). Alex Rallo décortique parfaitement la scène d’action finale et ce qui fait le sel du découpage du film d’action à la hongkongaise lors de l’âge d’or des années 1980 et 1990.

Interview du producteur Lawrence Wong (20 min). Témoignage fort intéressant pour saisir dans quelle atmosphère baignaient le cinéma de Hong Kong et la Shaw Brothers dans les années 1990, et notamment le lien avec les partenaires en Chine, car ces derniers étaient plus fréquents depuis l’ouverture du pays.

Séquence alternative de la version taïwanaise (30 sec). Une scène de violence du film est très légèrement plus explicite dans la version taïwanaise, et l’éditeur a le bon ton de nous faire partage cette différence, aussi courte soit-elle. Intéressant pour saisir les différences de montages entre pays.

Maxime Bauer.

Hero de Corey Yuen. Hong Kong. 1997. Disponible en combo Blu-ray/DVD chez Spectrum Films à partir d’août 2022.

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