Festival Allers-Retours 2021 – Les courts-métrages de la sélection

Posté le 8 octobre 2021 par

Le 1er octobre, le Festival Allers-Retours a conclu une édition 2021 encore riche en découvertes. Les courts-métrages de la sélection promettent des propositions originales tout en se plaçant dans la droite lignée d’une nouvelle génération d’auteurs décidément enthousiasmante.

C’était donc cinq courts-métrages qui étaient présentés au sein de la sélection. Cinq courts prenant le pouls des différents maux du monde moderne avec une grande diversité dans la forme et le traitement. Si les propositions sont inégales, il se dégage de chacune d’entre elles une réelle ambition visuelle et un style assuré (et assumé) qui peut rebuter ou frustrer mais qui ne laisse jamais indifférent.

Les deux courts d’animation de cette sélection sont sans doute les plus aboutis, autant en terme de vision que de narration. Présenté au Festival international de Clermont-Ferrand en février, Je me Gratte de Yang Chenghua est une bouleversante plongée dans la dépression d’une jeune fille, suite à une rupture amoureuse. En 9 minutes, la réalisatrice déconstruit la violence de la mélancolie et de la perte de confiance en soi, dans cette dépression vue de l’intérieur. Porté par un graphisme soigné et un scénario poignant de Julie Nobelen, le film est frappant de précision et assez dévastateur dans sa manière d’observer un corps, et un esprit, se déchirer pour mieux se reconstruire, patiemment, pièces par pièces. Je me gratte est une sorte de conte résolument à fleur de peau qui s’éprouve autant qu’il s’admire.

Tout aussi sensoriel mais jouant davantage sur le terrain de l’horreur et du fantastique, Coffin est une œuvre collaborative de six élèves de l’école des Gobelins, Yuanqing Cai, Nathan Crabot, Houzhi Huang, Mikolaj Janiw, Mandimby Lebon et Théo Tran Ngoc. Ce court-métrage anxiogène suit la nuit d’insomnie d’un homme vivant dans un dortoir insalubre, entre des colocataires bruyants et une ville surpeuplée. L’animation est assez impressionnante, les illustrations s’enchaînent et se superposent sans respiration durant 5 minutes d’une situation cauchemardesque qui feront probablement revivre aux hypersensibles du sommeil leurs pires traumatismes nocturnes. Coffin effectue également un travail remarquable sur le son, venant servir cette histoire sans dialogues, mais faisant ressentir la réduction de l’espace avec une belle inventivité (le confinement, durant lequel une partie du film a été finalisé, a peut-être fourni quelques idées aux créateurs). Si le projet est passionnant, il est peut-être un peu trop foisonnant. En effet, le film s’éparpille dans son envie de repousser les frontières des genres et brasse finalement un peu trop de sujets (l’anxiété, le mal logement, la misère sociale, l’hyper-urbanisation) pour transformer le geste artistique, extrêmement stimulant au demeurant, en une expérience de cinéma plus viscéral.

En terme d’expérience, le court-métrage le plus singulier de la sélection est indéniablement One Thousand and One Attempts to be an Ocean de Wang Yuyan. Constitués de micro événements provenant de vidéos postées sur Internet et de stock shots auxquels la réalisatrice superpose des phrases répétées en boucle et en rythme, le film provoque un effet à la fois hypnotisant et anxiogène. Le film est admirable dans son dispositif et efficace dans son exécution, le spectateur se trouvant immergé dans un montage de plus en plus abstrait qui tourne jusqu’à l’épuisement et continue alors même que la machine se dérègle.  One Thousand and One Attempts to be an Ocean fut d’abord une installation présentée dans le cadre de l’exposition Panorama 22 au Le Fresnoy (studio dont fait partie Wang Yuyan) et, bien que l’œuvre fut adaptée par la suite à la forme filmique, cela ne surprend pas. En effet, si le travail intéresse, il reste davantage un objet d’art contemporain qui laisse quelque peu à distance et ne cadre jamais totalement avec les quatre autres films de la sélection.

Les deux courts-métrages les plus attendus furent les petites déceptions de cette sélection néanmoins prometteuse. En sélection officielle de la section courts-métrages du dernier Festival de Cannes, Absence suit deux anciens amants sur le trajet du retour vers Ying Ge Hai. Sur le thème de la séparation, Wu Lang installe une atmosphère évaporée assez intrigante et manie son sujet subtilement, par petites touches brillamment soutenues par ses comédiens et sa réalisation. L’image est magnifique, notamment dans une séquence furtive voyant l’homme se remémorer un bref souvenir entouré d’une brume menaçant de tout engloutir, mais le film ne parvient pas à transcender son point de départ et tourne finalement un peu à vide durant les 15 minutes que durent ce voyage. L’émotion finit par arriver dans le très beau dernier plan du film mais elle est trop tardive et l’impression de frustration sur ce qu’Absence aurait pu être domine, malgré ses nombreuses qualités. No Entry de Guo Dongxun suit le chemin inverse. La première scène, où une adolescente s’observe devant son miroir puis place une peluche dans sa culotte et observe le résultat, ouvre le film avec une simplicité fracassante qui laisse espérer le meilleur pour la suite. Hélas, No Entry perd quasiment immédiatement en puissance, multipliant les pistes narratives et jouant l’opacité jusqu’à la confusion. C’est d’autant plus dommage que le potentiel du film est évident, et aurait peut-être été mieux servi dans une forme plus longue permettant de contenir les idées et gérer son rythme plus aisément.

La diversité des formes et des collaborations (la majorité de ces courts sont des productions internationales) témoignent d’un dynamisme prometteur, tout en se plaçant dans une grande cohérence thématique avec les long-métrages de la sélection du festival. Dans leurs forces et leurs faiblesses, on est en tout cas curieux de voir ce que donnera la suite du parcours de ces cinéastes que l’on retrouvera peut-être dans une prochaine édition.

Claire Lalaut

Courts-métrages. Absence de Wu Lang. Chine. 2021 – Je me Gratte de Yang Chenghua. France. 2020 – No Entry de Guo Dongxun. Japon. 2020 – One Thousand and One Attempt to be an Ocean de Wang Yuyan. France. 2021 – Coffin, de Yuanqing Cai, Nathan Crabot, Houzhi Huang, Mikolaj Janiw, Mandimby Lebon et Théo Tran Ngoc. France. 2020. Projetés au Festival Allers Retours 2021.

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