VIDEO – Angels Wear White de Vivian Qu

Posté le 29 août 2021 par

Sorti sur les écrans français en 2018 sous le titre Les Anges portent du blanc, Angels Wear White est le second long-métrage de Vivian Qu, la réalisatrice du remarqué Trap Street. Elle revient ici sur la pédocriminalité et le (mauvais) traitement qui y est opéré par la police et le système judiciaire.

Dans une station balnéaire notable pour sa grande statue de Marilyn Monroe, un chef d’entreprise emmène deux fillettes de 12 ans pour une soirée karaoké et les agresse sexuellement. L’une des deux victimes, Wen, entame un long calvaire lors de la prise en charge policière de l’affaire. Seule Mia, jeune employée à la réception, peut témoigner de manière décisive. Mais cette dernière cache la réalité de son identité, et l’avocate de la famille de Wen tâchera de la faire parler car elle seule possède la clé de l’affaire.

Angels Wear White porte un sujet sensible et entend l’attaquer frontalement. L’âpreté du film ne provient pas, fort heureusement, d’une iconisation de l’acte criminel  : aucun plan de l’agression n’est visible à l’écran. En revanche, tout le reste du processus, à savoir l’enquête, les entrevues de la police avec les petites – échanges qui ont tout d’un interrogatoire les incriminant -, les examens médicaux, les lourds griefs prononcés par l’une des mères, l’avidité écœurante de l’un des pères, sont autant éléments qui traduisent la sécheresse de ce système sociétal malsain. Le bien-être des enfants est placé au second plan, et cela témoigne du décalage de la justice qui confond victimes et criminels. Le film est une autre variation de ces fictions chinoises modernes à propos du mur administratif qui se dresse face aux populations, à ceci près qu’à l’inverse d’un Zhang Yimou de la belle époque, les victimes proviennent d’un milieu bourgeois et urbain, et que les administrations concernées sont la police et le corps médical, en non pas la Justice ou la hiérarchie du PCC. Ces composantes suffisent à rénover pour partie le registre cinématographique.

Malgré cette forme de traitement fort à propos en théorie, Angels Wear White peine à dépasser son intention et semble ne jamais décoller vraiment. Le blanc du titre, et de plusieurs tenues portées par les personnages féminins du film, renvoient à la virginité, à la pureté que l’on attribue à ces enfants, une vision fantasmée et malsaine du monde adulte qui encadre la société. La métaphore est quelque peu faiblarde, très évidente et littérale. En creux, Angels White White souhaite décrire les mécanismes de liens sociaux plus globaux, comme le fait que Wen est la filleule de son agresseur, son père travaillant pour lui et ayant établi ce lien par soumission dans le monde du travail. Le sujet, évoqué par un court dialogue, ne fait finalement qu’effleurer son potentiel dramatique, par absence d’un minimum d’emphase. Par instant, l’intrigue s’essaie à nous dérouter à travers le parcours du personnage de Mia. Son rôle sert même de moteur à l’intrigue car elle a tout vu et détient les clés pour emballer l’appareil judiciaire. Cependant, les mystères faits autour de sa situation ne font pas trop d’illusion, alors même qu’ils sont censés nous maintenir en haleine. Dès lors, l’enjeu dramatique s’amenuise, et le scénario se referme sur un twist étrange, qui surprend certes, mais qui paraît tiré du chapeau.

La qualité inaltérable du film réside dans la composition de Zhou Mei-jun, l’interprète de la petite Wen, qui du haut de ses 12 ans fait résonner la parole démunie des enfants victimes d’agressions sexuelles. Ses quelques pleurs sonnent plus que juste, et ses échanges avec Shi Ke, qui interprète son avocate, sont bouleversants de réalisme et d’insoutenabilité, lorsqu’il s’agit de faire caractériser avec tact à l’enfant ce qu’elle a vécu, pour le bien de la procédure. Vivian Qu s’ajoute à la liste de ces réalisateurs et réalisatrices qui brillent par la qualité de leur direction d’acteurs ou actrices de jeune âge, un exercice peu évident.

Angels Wear White a le mérite d’aborder son sujet grave par le meilleur angle possible, et d’offrir quelques moments intenses. Le scénario s’embranche toutefois de manière étrange et s’embourbe dans des tracés qui ne rendent pas honneur à son potentiel.

Bonus de Spectrum Films

Présentation du film par Vivian Qu (5 minutes) : ce document issu de la promotion chinoise étaye peu le film et dresse des généralités sur ses thématiques. Il confirme cependant le sérieux avec lequel Vivian Qu s’est attaquée à ce sujet difficile.

Maxime Bauer.

Angels Wear White de Vivian Qu. Chine-France. 2017. Disponible en combo DVD/Blu-ray chez Spectrum Films en août 2021.

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