FFCP 2019 – A BOY AND SUNGREEN de AHN JU-YOUNG

Posté le 13 novembre 2019 par

Avec son attachant duo adolescent et sa sensible légèreté, A Boy and Sungreen de Ahn Ju-young s’est imposé comme la bouffée d’air frais de cette édition du Festival du Film Coréen à Paris, à la sélection indépendante passionnante mais plutôt grave. Un premier film enchanteur !

Bo-hee (le « boy » du titre) et Nok-yang (la « Sungreen »), 14 ans, sont inséparables depuis leur enfance et traînent tout le temps ensemble. Il est aussi timide et fragile qu’elle est culottée et intrépide. Elle se rêve cinéaste mais s’endort toujours au cinéma. Il a un prénom féminin et ne le vit pas très bien. Lorsque Bo-hee apprend que son père, qu’il croyait mort, est en fait bien en vie, il se met en tête de le retrouver, avec l’aide de Nok-yang.

A Boy and Sungreen, premier long-métrage d’Ahn Ju-young, est une merveilleuse surprise. Récit d’apprentissage autour de la recherche du père, le film préfère la douce fantaisie à la gravité d’un drame social souvent privilégié dans le cinéma coréen pour traiter de ces sujets. Sans éviter la dure réalité que les thèmes abordés peuvent impliquer (l’abandon, la mort, la condition de la différence dans la société coréenne), la réalisatrice dose habilement le rire et les larmes et interroge subtilement la notion de famille et le rôle de l’entourage dans la construction d’un enfant.

Présenté au sein d’une fournée de premiers long-métrages particulièrement riches et prometteurs, le film est indéniablement le plus modeste dans sa forme et son traitement. Il n’a pas l’ambition du House of Hummingbird de Kim Bora ou Our Body de Han Ka-ram ni la densité thématique du Second Life de Park Young-ju et de Move the Grave de Jeong Seung-o. L’intrigue est, en elle-même, peu originale et la narration est déroulée de manière assez traditionnelle. La mise en scène est lumineuse et comporte quelques belles saillies poétiques, mais tombe parfois dans des maniérismes quelque peu maladroits et n’atteint jamais le brio de certaines séquences des films mentionnés précédemment. C’est pourtant sa désarmante simplicité, sa tendresse sans bornes pour ses personnages et leur parcours, que le film marque et se démarque. A l’image de son héros, qui sous sa frêle apparence cache des trésors de détermination et de sagesse, A Boy and Sungreen ne paie pas de mine mais ravit par la justesse de son regard sur les incertitudes de la vie, émeut par sa confiance inébranlable en la force des liens affectifs et réconforte en soulignant que les douleurs et les déceptions mènent parfois à quelque chose de positif .

Réalisatrice et scénariste, Ahn Ju-young démontre un réel talent dans la construction de ses personnages et, surtout, de leurs relations. Sans jamais verser dans la sensiblerie, elle prend soin de ménager des petits moments et des petits gestes, a priori anodins, (une assiette de tartines trop remplie, une tête posée sur l’épaule d’un ami, une initiation virile à l’art d’aller aux bains publics, etc.) qui en disent davantage que bien des effusions démonstratives. De plus, la réalisatrice développe remarquablement ses personnages en laissant à chacun d’eux l’espace pour exister dans l’histoire quelque soit leur temps de présence ou leur impact. Le film regorge par ailleurs de trouvailles scénaristiques (comme la mère de Bo-hee tenant un salon de coiffure malgré des compétences de coiffeuse plus que limitées) et visuelles (la recréation de la scène finale du film que Bo-hee regarde au cinéma au tout début) qui, si elles ne sont pas toujours complètement abouties ou réussies, participent grandement à son charme.

Formidablement dirigés, les comédiens sont au diapason et s’investissent totalement dans leurs rôles, particulièrement les deux jeunes interprètes principaux. Ahn Ji-ho (aussi vu en pleine crise d’adolescence dans The House of Us, présenté en clôture du festival), grande brindille mal à l’aise dans son corps, parvient à exprimer la fragilité et le manque d’assurance de Bo-hee avec un mélange de mélancolie et de drôlerie. A ses côtés, Kim Ju-a est une petite boule d’énergie et d’impertinence infusée avec une pointe de vulnérabilité qui peut déclencher des torrents d’émotion. Leur alchimie, complémentaire et réaliste, sert idéalement les dialogues, souvent bien sentis, et les situations qui s’enchaînent avec une grande fluidité.

En évitant tous les pièges d’un sujet souvent vu au cinéma et prompt aux excès de noirceur ou de mélodrame, Ahn Ju-young impose farouchement son univers et ses personnages avec une fraîcheur inattendue et salvatrice. Grand « petit film », A Boy and Sungreen dégage un entrain et une énergie qui enthousiasment et nous entraînent complètement dans les joies, les peines et les découvertes de notre jeune duo. Un concentré d’émotions proposé de manière aussi fine et sensible, on en redemande.

Claire Lalaut

A Boy and Sungreen de Ahn Ju-Young. Corée. 2019. Présenté lors de la 14ème édition du Festival du Film Coréen à Paris.

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